Interventions aux Séminaires Babylone

Silke SCHAUDER – Camille Claudel. Le temps de l’œuvre. L’œuvre du temps  – 8/11/2004 [49]





Silke SCHAUDER
professeure des Universités, UPJV, Amiens, psychologue clinicienne
Le temps de l’œuvre et l’œuvre du temps
Quelques notes sur Camille Claudel


Dans cette communication, je proposerai une étude de l’oeuvre de Camille Claudel sous différents aspects du temps. Comment les sculptures s’inscrivent-elles dans le temps chronologique d’une vie ? Par quel truchement l’artiste résout-elle la difficulté majeure, inhérente à toute sculpture, à savoir la représentation du mouvement ? Comment les sculptures elles-mêmes, par leur thème, leur épaisseur et leur complexité, font-elles apparaître l’oeuvre du temps ?

Afin de réunir des éléments de réponse à ces questions, je vais analyser plus en détail sept sculptures de Camille Claudel : La Valse (1889-1905), Sakountala (1886-1905), Les Causeuses (1896), La Vague (1897-1903), Persée et la Gorgone (1897-1902), Clotho (1893-1897) et enfin, L’Âge mûr (1894-1900) qui est considéré par d’aucuns comme son chef d’œuvre. Chaque sculpture sera interrogée en ce qui concerne ses rapports subtils au temps, ce dernier étant une constante dans l’œuvre de Camille Claudel. Notamment en approfondissant la lecture de L’Âge mûr, je tenterai de montrer l’intérêt d’une approche génétique de l’oeuvre. La comparaison des différentes versions, la première datant de 1894, la dernière de 1900, permet-elle de dégager les modifications tant artistiques que relationnelles qui sont intervenues dans l´intervalle ? En quoi le repérage des différentes étapes peut-il nous renseigner sur la question essentielle de la sublimation ? L´Âge mûr (1898) est à Camille Claudel ce qu´est Le partage de Midi à son frère : le zénith irrémédiablement dépassé de sa vie, le témoignage bouleversant de la rencontre, dévastatrice, avec celui „qui n´a pas su prendre son âme". Dans cette sculpture qui sur le plan biographique représente la rupture avec Rodin, nous pourrons voir, outre son drame personnel, le temps même à l’œuvre.

Que l´œuvre d´art naisse de la perte, qu´il constitue, par les opérations complexes de la sublimation, une métaphore intime et un dépassement possible du deuil : voilà les hypothèses qui seront présentées au débat. Je conclurai sur la folie largement débattue de Camille Claudel : devons-nous la penser, entre autres, comme un échec progressif et irréversible, de la sublimation, laquelle semble de moins en moins portée par les pulsions de vie, mais constituerait, plutôt, un cadre de plus en plus fragile, puis détruit par les pulsions de mort ?

N.B. Il est souhaitable qu’en amont, les auditeurs prennent ou reprennent connaissance des œuvres de Camille Claudel qui sont exposées au Musée Rodin, au Musée d’Orsay et à l’AFP. Une présentation de diapositives est prévue lors de ma communication, mais rien ne remplace la rencontre, dans l’espace et le temps, avec ces œuvres qui en offrent parmi les représentations les plus pures…

Références bibliographiques
ARNOUX, D. (2002), "Paul Claudel, un sacrifice joyeux" in : Che vuoi?  Revue de Psychanalyse, Sublimer ? II. Chemins de la création, L´Harmattan, Paris, n°19, pp.117-133.
CASSAR, J. (1987). Dossier Camille Claudel. Librairie Archimbaud, Séguier, Paris.
CLADEL, J. (1936). Rodin, sa vie glorieuse et inconnue.  Grasset, Paris.
CLAUDEL, P. (1951). "Ma soeur Camille" in : PARIS, R.-M. (2000). Camille Claudel re-trouvée. Catalogue raisonné, Éditions Aittouarès, Paris, pp.95-104.
DE LA CHAPELLE, A. (1989). "L´art de Camille Claudel " in : PARIS, R.-M. (2000). Camille Claudel re-trouvée. Catalogue raisonné, Éditions Aittouarès, Paris, pp.113-141.
FREUD, S. (1917). Trauer und Melancholie. Studienausgabe, Bd.3, p.193-212. (Trad.frs. Deuil et mélancolie).
MORHARDT, M. (1898). "Melle Camille Claudel" in : Cassar, J. (1987). Dossier Camille Claudel. Librairie Archimbaud, Séguier, Paris, Annexe 13, pp.455-501.
PARIS, R.-M. (2000). Camille Claudel re-trouvée. Catalogue raisonné, Éditions Aittouarès, Paris.
PINET, H. (1994). Rodin, les mains du génie. Collection Découvertes Gallimard, Paris.
PINET, H. et PARIS, R.-M. (2003). Camille Claudel. Le génie est comme un miroir. Collection Découvertes Gallimard, Paris.
PINGEOT, A. et al. (1988). L´Âge mûr de Camille Claudel. Les dossiers du musée d´Orsay, n°25. Editions de la RMN, Paris.
RILKE, R.-M. (1902). Rodin. Editions du Seuil, Paris.
RIVIERE, A. ; GAUDICHON, B. ; GHANASSA, D. (1996). Camille Claudel. Catalogue raisonné. Adam Biro, Paris.
SCHAUDER, S. (1999). "Son, voix, cri. Pour une étude des sculptures de Camille Claudel sous l´angle du rythme." Communication lors des Journées d´Automne de la S.F.P.E. (Société Française de Psychopathologie de l´Expression et de l´Art-Thérapie) sur le thème Ligne, espace, rythme. Salpetrière.
SCHAUDER, S. (2001). "D´une Pietà l´autre. Notes sur une étude préparatoire de Michel-Ange (1475-1564)" Communication, sur invitation, présentée lors des Journées d´Étude de la S.F.P.E. sur le thème Le double et ses miroirs cliniques, artistiques, scientifiques, co-organisées par Dominique de Miscault, Jean-Gérald Veyrat et Silke Schauder les 20 et 21 octobre 2001 à la Salpêtrière, Paris (à paraître in : Annales des Journées d´Etude).
SCHAUDER, S. (2002). "Camille Claudel - contemporaine de l´éternité" in : Encrages, n°3, L´Harmattan, Paris, pp. 32-47.
SCHAUDER, S. (2003). "Trauma der Schönheit oder Schönheit des Traumas ? Notizen zur Pietà Michelangelos", in : Hampe, R. et al. (2003), Trauma und Kreativität, Universität Bremen, pp.333-343.
SCHAUDER, S. (2004). « Autant en emporte le Temps... Notes sur L’Age mûr de Camille Claudel. » Colloque « La Perte », Cerisy-la-Salle, le 16 août 2004 (à paraître in : Actes du Colloque).  
SIMMEL, G. (1911). Michel-Ange et Rodin. Trad. frs. Rivages poche, Petite Bibliothèque, Paris.

Janine FILLOUX – Nietzsche. Prince hors la loi – 6/12/2004 [48]

Janine FILLOUX
Psychanalyste
Nietzsche. Prince hors la loi

 

 

Nietzsche né en 1844 meurt en 1900, année de naissance de la psychanalyse avec la parution de l’Interprétation des rêves, après dix années de silence consécutives à l’effondrement psychique vécu à Turin, en 1889, lorsqu’il est témoin de la maltraitance d’un cheval par son charretier.
C’est entre 1872 et 1888 qu’il écrit l’essentiel de son œuvre dédiée à la connaissance de l’humain et du processus de création dont il se veut à la fois l’expérimentateur et le théoricien.

La conception de l’inconscient qui se dégage de cette œuvre anticipe celle que Freud, dans son effort de systématisation, nous a léguée, mais s’en différencie aussi sur des questions comme celle de la sublimation culturelle, de la création, ou celle du conflit entre forces opposées comme moteur de la vie psychique et du devenir de l’humanité.
De Nietzsche, ce possible précurseur de la pensée psychanalytique, Freud ne cessera d’affirmer qu’il n’a rien voulu en savoir pour ne pas subir « d’influence extérieure » ; mais il reconnaîtra par ses dénégations mêmes la valeur fondatrice de la pensée de Nietzsche dans la prise en compte, qu’il fera lui aussi, de la pulsion de mort, du tragique dans le monde contemporain.

Celle qui les a connus l’un et l’autre, Lou Andreas-Salomé, me servira de guide dans l’exploration de ce qui réunit et oppose le créateur artiste au créateur scientifique.

Références bibliographiques
Friedrich Nietzsche, Oeuvres, édition dirigée par Jean Lacoste et Jacques Le rider, Bouquins, Robert Laffont, 1993.
Lou Andreas-Salomé, Friedrich Nietzsche à travers ses œuvres, les Cahiers Rouges, Grasset, 2004.
Lou Andreas-Salomé, Ma vie, Perspectives critiques, Puf, 1977.
Friedrich Nietzsche-Paul Rée-Lou von Salomé, Correspondance, Quadrige, Puf, 2002.
Stefan Zweig, Nietzsche, Stock, 1999.

Thérèse TREMBLAIS-DUPRÉ - La mère absente chez Julien Green et Julien Gracq – 4/04/2004 - [44]

Thérèse TREMBLAIS-DUPRÉ
psychanalyste

La mère absente chez Julien Green et Julien Gracq

 

 

Il peut sembler curieux d’avoir réuni deux écrivains si différents l’un de l’autre opposés par leur origine familiale, leur inspiration et leur sexualité : Julien Green né en France est issu d’une famille du Sud de l’Amérique, Julien Gracq est né et a vécu sur les bords de la Loire.
Mais ils ont en commun, ayant l’un et l’autre couvert le XXème siècle, (Julien Green 1900-1998) et Julien Gracq (né en en 1910, toujours vivant) d’avoir été saisis par le souffle du freudisme : Julien Green pour y avoir été initié par l’Université de Charlottesville, à 19 ans, Julien Gracq pour avoir été capté par André Breton et le Surréalisme dans ses années d’Ecole Normale à 20 ans.
L’un et l’autre, tournés vers leur monde intérieur, indifférents, et comme étrangers à leur siècle, déploient à travers leurs personnages, leur vision d’un psychisme marqué par les enjeux de l’enfance, du sexe, de l’âge d’or perdu et la fascination de la mort.

Il s’agit d’évoquer comment, chez ces auteurs, les impressions d’enfance, leur relation maternelle qu’ils nous ont livré l’un et l’autre a marqué leur inspiration et leur style de vie.


Références bibliographiques
S. Freud. Principes du cours des évènements psychiques. In Résultats, Idées, Problèmes. PUF
S. Freud. L’Inquiétante Etrangeté. Ed Folio.
Julien Green. Moïra.
Julien Gracq. Un balcon en forêt.
Th. Tremblais-Dupré. La mère absente : une lecture psychanalytique de Julien Gracq, Balzac, Molière, Shakespeare, Julien Green. Ed. Du Rocher.

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