Silke SCHAUDER
professeure des Universités, UPJV, Amiens, psychologue clinicienne
Le temps de l’œuvre et l’œuvre du temps
Quelques notes sur Camille Claudel
Dans cette communication, je proposerai une étude de l’oeuvre de Camille Claudel sous différents aspects du temps. Comment les sculptures s’inscrivent-elles dans le temps chronologique d’une vie ? Par quel truchement l’artiste résout-elle la difficulté majeure, inhérente à toute sculpture, à savoir la représentation du mouvement ? Comment les sculptures elles-mêmes, par leur thème, leur épaisseur et leur complexité, font-elles apparaître l’oeuvre du temps ?
Afin de réunir des éléments de réponse à ces questions, je vais analyser plus en détail sept sculptures de Camille Claudel : La Valse (1889-1905), Sakountala (1886-1905), Les Causeuses (1896), La Vague (1897-1903), Persée et la Gorgone (1897-1902), Clotho (1893-1897) et enfin, L’Âge mûr (1894-1900) qui est considéré par d’aucuns comme son chef d’œuvre. Chaque sculpture sera interrogée en ce qui concerne ses rapports subtils au temps, ce dernier étant une constante dans l’œuvre de Camille Claudel. Notamment en approfondissant la lecture de L’Âge mûr, je tenterai de montrer l’intérêt d’une approche génétique de l’oeuvre. La comparaison des différentes versions, la première datant de 1894, la dernière de 1900, permet-elle de dégager les modifications tant artistiques que relationnelles qui sont intervenues dans l´intervalle ? En quoi le repérage des différentes étapes peut-il nous renseigner sur la question essentielle de la sublimation ? L´Âge mûr (1898) est à Camille Claudel ce qu´est Le partage de Midi à son frère : le zénith irrémédiablement dépassé de sa vie, le témoignage bouleversant de la rencontre, dévastatrice, avec celui „qui n´a pas su prendre son âme". Dans cette sculpture qui sur le plan biographique représente la rupture avec Rodin, nous pourrons voir, outre son drame personnel, le temps même à l’œuvre.
Que l´œuvre d´art naisse de la perte, qu´il constitue, par les opérations complexes de la sublimation, une métaphore intime et un dépassement possible du deuil : voilà les hypothèses qui seront présentées au débat. Je conclurai sur la folie largement débattue de Camille Claudel : devons-nous la penser, entre autres, comme un échec progressif et irréversible, de la sublimation, laquelle semble de moins en moins portée par les pulsions de vie, mais constituerait, plutôt, un cadre de plus en plus fragile, puis détruit par les pulsions de mort ?
N.B. Il est souhaitable qu’en amont, les auditeurs prennent ou reprennent connaissance des œuvres de Camille Claudel qui sont exposées au Musée Rodin, au Musée d’Orsay et à l’AFP. Une présentation de diapositives est prévue lors de ma communication, mais rien ne remplace la rencontre, dans l’espace et le temps, avec ces œuvres qui en offrent parmi les représentations les plus pures…
Références bibliographiques
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