Interventions aux Séminaires Babylone

Daniel HURVY
Psychiatre, psychanalyste
Billly Budd, de Melville à Britten,
L’amour ambigu et introuvable des pères et des fils
Discutant : Bénédicte PUPPINCK, Psychanalyste, écrivain

Billy BUDD est une histoire d'hommes. Texte inachevé, publié bien après la mort de MELVILLE (1819-1891), le thème dominant de cette histoire maritime, quoique plus suggéré qu'explicite, est l'amour et le désir entre hommes, thème concentré dans un récit implacable et violent qui laisse une impression d'indécision, d'incertitude et d'instabilité.
Chez MELVILLE la matière romanesque est infiltrée par l'ambiguïté (titre d'un de ses principaux romans Pierre and the ambigüités) et par la nécessité d'écrire sur l'irréductible complexité de l'âme humaine. Lewis MUMFORD à propos de MELVILLE et le citant : <<l'écrivain peut donner à voir ou à entrevoir les "opérations secrètes" de l'âme humaine, des vérités ténébreuses ou subversives>>.
Si le paradigme de l'amour entre hommes de générations différentes est l'amour père-fils, c'est, chez MELVILLE, sur fond de perte et de quête sans fin comme l'indiquent les fins de BILLY BUDD et de MOBY DICK. "We are lost on the endless sea". Dans BILLY BUDD se répondent les versions idéalisée et pervertie de cet amour.
Le compositeur Benjamin BRITTEN (1913-1976), pour qui cette problématique est au coeur de sa vie et de son œuvre, ne s'y est pas trompé, s'emparant de cette nouvelle pour en faire un de ses opéras, sa "meilleure musique ... ou la pire" a-t-il dit.
Du meilleur et du pire, il est sans cesse question dans l'œuvre de MELVILLE, questionneur inlassable de l'éthique, de la morale, de la religion, donnant la chasse, par delà la baleine blanche, à toute certitude. L'ambiguïté, l'indécidabilité, l'intranquillité constituant paradoxalement les piliers, les assises de cette œuvre qui, comme ACHAB, boîte merveilleusement.

A lire :
Billy BUDD, Matelot, Editions Amsterdam, Paris, 2004.
Billy BUDD in Herman MELVILLE, Oeuvres Complètes, La Pléiades, Tome IV, Editions Gallimard, Paris, 2010.
mieux : le texte original est dans Billy BUDD and Other Stories, Penguin Classics.

Céline MASSON - Le travail du temps à l’image : à partir des photos de médaillons de Michel Nedjar – 1er février 2010 [87]

Céline MASSON* – Michel NEDJAR**
Le travail du temps à l’image :
à partir des photos de médaillons de Michel Nedjar
Discutant : Yoann Loisel

 

 

« (…) le vrai visage de l’histoire s’éloigne au galop. On ne retient le passé que comme une image qui,
à l’instant où elle se laisse reconnaître, jette une lueur qui jamais ne se reverra. »
Walter Benjamin
Les visages de médaillons à l’épreuve du temps

 

Ces images prises par Michel Nedjar sont issues d’un film qu’il a réalisé dans un cimetière juif alors que nous préparions le colloque «Shmattès : la mémoire par le rebut» au Musée d’art et d’histoire du Judaïsme. Il en a ensuite tiré des images fixes. Ces images-visages sont peu reconnaissables, innommables mais toutefois elles sont familières, essentielles (M. Nedjar dit : «c’est la génétique»). Elles datent d’avant «la catastrophe» et pourtant les visages semblent l’annoncer. Ce sont des représentations de la vie, de la mort, d’un passage, suspendues au-delà du visible. Il est important de dire qu’elles sont des photos de photos, des photos de médaillons en porcelaine apposés sur les tombes. La photo de porcelaine est prise par la photo numérique … deux matières se confrontent, le passé et le contemporain qui a l’angoisse de l’effacement. Ces images sont fêlées, cassées, dévorées, usées, effacées, brisées. Elles sont comme des restes à la surface des tombeaux, des images impures faisant contraste avec la relative conservation de la pierre. Le temps a infléchi le devenir de l’image, s’en est mêlé, s’est saisi de la matière pour la transformer et métamorphoser l’image. C’est bien l’expérience d’une perte que ces images expriment et lorsque nous sommes devant ces images nous sommes devant le temps mais un temps /fêlé/.
Les morts nous regardent mais nous ne voulons rien en savoir. Ils sont l’interface entre deux mondes, l’inter-face, le visage entre dedans et dehors. Un visage porte les visages des morts et des vivants, il est pluriel, composé de strates et de lignes de temps. L’œuvre de l’artiste est ce visage du temps, un visage d’histoire et de mémoire.

Céline Masson*, Psychanalyste, Maître de Conférences à l'Université Paris-Diderot, co-responsable du Groupe de recherches Pandora sur les processus de création (Centre de Recherches Psychanalyse et Médecine, Université Paris-Diderot)
Michel Nedjar**, Artiste, co-fondateur du Musée d'art brut l'Aracine
Yoann Loisel***, Psychiatre, psychanalyste

Edmundo GÓMEZ-MANGO - Poésie et psychanalyse. Autour de l’œuvre poétique de Juan Gelman – 3 mai 2010 [85]

Edmundo GÓMEZ-MANGO
Psychiatre, psychanalyste, membre de l'Association Psychanalytique de France.
Poésie et psychanalyse. Autour de l’œuvre poétique de Juan Gelman.
Discutant : Anne Marie SMITH

 

 

«Il me semble qu'il y a quelque chose de défendu, de sacrilège de parler des rapports de la poésie et de la métaphysique », disait Jean Wahl, philosophe et poète. Je commenterai ce propos comme une introduction au rapprochement de la poésie et de la psychanalyse. Dans l'ouvre de Freud, la relation de la théorie et de la littérature est capitale : le Dichter, le poète au sens large, celui qui fait avec les mots, est un des interlocuteurs privilégiés du créateur de la nouvelle science.
L'oeuvre de Juan Gelman, un des plus grands poètes contemporains, a été marquée par «les désastres de la guerre », les dictatures militaires de l'Amérique latine. Il n'a pas cessé d'entendre l'appel des «disparus », à la fois dans son destin d'homme et de poète. Sa quête poétique s'est intriquée avec sa lutte citoyenne pour « l'apparition » de ses être aimés. Les retrouvailles avec sa petite fille, volée quand elle est née en captivité, en témoignent. Son chant s'adresse souvent à l'absent aimé. De là sa rencontre avec la grande poésie mystique. Sa traversée des strates les plus primitifs du langage lui permet d'atteindre le status nascendi de la parole, là ou la haute poésie rejoigne le chant populaire. Ce qu'il appelle «l'enfant fondamental» semble être la source première de son poème.

Les traductions françaises des livres de Gelman disponibles en librairie, sont les suivantes :
Les poèmes de Sidney West, éd Creaphois.
Les cahiers de Royaumont,  traduction collective.
Obscur ouvert, traduction de Jean Portante, éd. Phi, Luxembourg, distribué en France par la librairie Wallonie -Bruxelles.
L'opération d'amour, préface de Julio Cortazar, traduction Jacques Ancet Gallimard, 2006.

Edmundo Gomez-Mango, est membre de l'Association psychanalytique de France.
En français, il a publié La Place des Mères (1999) et La Mort enfant (2003) dans la collection "Connaissance de l'inconscient"(Gallimard), la poésie de Juan Gelman et l'appel des disparus (Myriam Solal, 2002).
Et tout récemment, Un muet dans la langue (Tracés Gallimard, 2009) -  dont notamment un chapitre : "Entre les vivants et les morts" est consacré à Juan Gelman.
Il a traduit les Fleurs du mal en espagnol.

Christophe PARADAS - Hemingway mort ou vif, à propos de son livre : Au-delà du fleuve et sous les arbres – 7 juin 2010 [84]

Christophe PARADAS
Psychiatre, psychanalyste
Hemingway mort ou vif, à propos de son livre :
Au-delà du fleuve et sous les arbres
Discutant : Silke SCHAUDER*

 


« La beauté voisine avec le silence. La justesse de certaines paroles, aussi. L’écriture d’une vie ? Au-delà des souffrances, et de la mort. Avec Hemingway, un univers créateur surmonte la peur, la douleur, la décrépitude. A travers l’intrication impressionnante d’un style, d’un homme et d’une oeuvre. Echos énigmatiques, en mots et en images, comme le jeu subjectif des miroirs de l’existence. De paroles en mots, d’un sujet l’autre.
Une secrète invitation à prendre la plume, tout au respect de certaines expériences fondatrices.
Autant en emporte l’esprit de ceux qui auront compté, de leurs oeuvres, de leurs vies, autant de nouveaux mondes, d’autres visions, de nouveaux langages, de rêves changés, de métamorphoses.
A distance des légendes simplistes et de l’hagiographie. Loin des mascarades et de l’idéalisation. En se gardant ici des fanfaronnades du personnage. Du culte aveugle des maîtres anciens, non moins. En évitant de trop en dire. Hemingway, un baroudeur au grand coeur ? Mystère. Un Don Quichotte des Caraïbes ? Difficile à contredire. D’ailleurs, «ce qu’un homme veut dire n’est pas toujours immédiatement perceptible dans ce qu’il écrit. » (E.H). Premièrement, ne pas s’égarer. A défaut de s’y retrouver. Entre le génie médiatique, le prince alcoolique de l’auto fiction, le dépressif d’une famille de suicidaires, le reporter présent là où çà chauffe, etc. Surtout ne pas se perdre en route. … »

*Silke SCHAUDER, Maître de conférences à l'IED-Université Paris 8, Directrice adjointe du Master 2 Professionnel "Psychologie Clinique, Psychopathologie et Psychothérapies", Psychologue clinicienne, art-thérapeute, Membre de la SFP, de la SFPE et de l'AIRHM.

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