4ème Colloque BABYLONE, Vérité et illusions à l’adolescence : terreurs et esquisse sauvage
Maurice CORCOS
Psychiatre, psychanalyste
Rimbaud : on ne part pas ou le sang de l’exil
Discutant : Gérard PIRLOT, psychiatre, psychanalyste
Les fugues incessantes d’Arthur Rimbaud étaient une façon de figurer dans l’espace, la nécessaire distanciation d’avec sa mère (qui finira par le récupérer jusqu’à le déterrer et le réenterrer dans le caveau familial), et la nécessaire proximité avec son père disparu qu’il cherchera dans tous les villages-casernes. Dans cette activité circulaire qui comprends départ et retour, risque et joie du départ, besoin de retour ensuite, Arthur a pu goûter l’ivresse de la répétition des commencements et conclure « dans le brisement de la grâce croisée de violences nouvelles » qu’ « on ne part pas ». Pressé de « trouver le lieu et la formule », le pubère « où circule le sang de l’exil et d’un père » s’est trouvé et perdu. Confronté au soleil noir de « la mère du devoir » » qui a « le regard bleu qui ment », il a fui pour mieux revenir et succomber dans « la défaite sans avenir ». Il aura beaucoup marché pour « distraire les embaumements tragiques » et les répugnances malsaines, de telle façon à ne jamais être à la place où on l’attend, celle christique que lui imposait sa mère et qu’il n’a pu éviter une façon d’être «hors d’atteinte» pour éviter l’aliénation au désir inconscient « à tombeau ouvert» de sa mère et verser dans le point mort de soi. On quitte d’abord un lieu où l’on étouffe dans l’air toxique de ses géniteurs, mais on ne part pas en quête d’autre chose, pour un autre être sauf si on est assuré de partir avec ses objets ou ses valises et seulement si l’objet a donné le visa de sortie. Sinon, on ne fait que partir sur place.
* : Pédopsychiatre, psychanalyste. PU-PH Chef du service de psychiatrie de l’adolescent et du jeune adulte de l’Institut Mutualiste Montsouris, Paris 14ème.
** : Professeur des Universités, Université Paris 10-Nanterre