Interventions aux Séminaires Babylone

Anne BRUN - Henri MICHAUX ou le corps halluciné : « Ecrire, écrire, tuer quoi » - 2/02/2015 [125/2]

Anne BRUN

Anne BRUN
Psychologue, Psychanalyste, Professeur et directrice du Centre de Recherche en Psychopathologie
et Psychologie Clinique, Université Lyon 2
Henri MICHAUX ou le corps halluciné : « Ecrire, écrire, tuer quoi »
Discutant : Maurice CORCOS, psychiatre, psychanalyste

 

 

À l’origine de l’œuvre de Michaux, un sujet raturé et ratureur, qui fonde paradoxalement son identité sur la négation de son identité et sur la résistance à toute inscription dans une filiation. Michaux a ainsi rêvé de la création d’une  langue à soi, d’une écriture « d’aucune langue » « sans appartenance, sans filiation », d’une expression « par des gestes plutôt que par des signes ». Ce mirage d’un langage sans les mots sera offert au créateur dans son expérience hallucinogène effectuée dans les années soixante, qui est devenue le support d’une oeuvre picturale et poétique : pour Michaux le lisible paraît indissociable du visible. Il a écrit plusieurs ouvrages pour rendre compte de son expérience des toxiques dont les trois principaux sont : Misérable Miracle (56), L’Infini turbulent (57), et Connaissance par les gouffres (61) : il a aussi composé une œuvre picturale importante, souvent dénommée œuvre mescalinienne.
Ce corpus hallucinogène permet d’aborder le rôle joué par la sensorialité dans le processus créateur d’une œuvre : il s’agit en effet là d’une écriture et peinture du corps, qui s’enracine dans des vécus corporels médiatisés par la drogue, sous la forme notamment de sensations hallucinées.
Avaler le poison de la mescaline, un dérivé du peyotl, confrontera Michaux à un véritable combat pour la création, à la fois avec et contre la mescaline, qui certes le câline, mais lui fait perdre aussi toute capacité créatrice en ressuscitant la langue des ancêtres, les voix du père mort et les mirages de la voix maternelle. Le processus créateur apparaît comme une approche et une mise à mort du noyau maternel : la création ne saurait s’effectuer que dans un mouvement de meurtre de la mère, doublé de la tentation de se fondre et de s’annihiler en elle.
L’œuvre littéraire et picturale de Michaux évoluera de plus en plus vers la quête de ce langage sans les mots et d’une dissolution dans les rythmes, dans un corps à corps rythmique avec la mer (e).

OUVRAGES SUR LA CREATION
BRUN A. (1999), Henri Michaux ou le corps halluciné, coll. "Les empêcheurs de penser en rond", repris par Le Seuil.
BRUN A, TALPIN J-M et coll., (2007), Cliniques de la création, De Boeck.
BRUN A., CHOUVIER B. et coll., 2009, Travail psychique et processus créateur, De Boeck.
BRUN A., CHOUVIER B. et coll. (2013), L’archaïque. Création et psychanalyse, Armand Colin.
BRUN A., CHOUVIER B. et coll. (2013), Passion et création, à paraître

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