Daniel HURVY
Psychiatre, psychanalyste
Après la catastrophe : Comment l’écriture,
pour Franz KAFKA, jette un pont au-dessus du vide
Discutant : Annie BIRRAUX, psychiatre, psychanalyste à Paris,
a enseigné la psychopathologie de l'enfant à l'Université Paris-Diderot.
Kafka, certes, est intimidant et déroutant mais la fréquentation de ses écrits le fait apparaître dans son humanité, sensible et pathétique.
Un premier travail présenté à Babylone il y a quelques années sur « Kafka et la puissance des femmes » s'achevait, interrogatif sur la mère de l'écrivain, comme sur une zone aveugle.
Depuis, une lecture de l'ensemble de ses écrits, romans, nouvelles, Fragments, Correspondance et Journal, qui forment un tout, indissociable, et singulièrement la lecture du Château, révèle la permanence, l'insistance, l'intensité de la question de l'enfance chez (de) Kafka. Au point que l'on peut dire, arguments à l'appui, que, sa vie durant, Kafka s'est affronté, sans échappatoire, aux effets persistants d'un épisode de détresse absolue, survenu dans sa petite enfance. Sous cet angle, bien particulier et partiel, son œuvre apparaît comme une élaboration continue de cette problématique. On s’appuiera sur les textes, beaucoup plus qu'on ne s'essaiera à une pathographie. Et on verra que, si le sort des enfants questions est un sujet majeur de sa réflexion et un thème étonnement présent dans ses écrits, l’écriture, dans sa forme, est elle-même la question: comment côtoyer le vide sans y être précipité ?
Lire, ou relire, Le Château constitue un préalable hautement recommandable à cette soirée de séminaire. Pourvu qu'on le lise lentement. On découvrira alors que chaque phrase pèse son poids.
Les Lettres à Milena sont également une voie d'abord pertinente de la question qui nous intéresse.
Le fragment « Nous courions sur un sol glissant... » (pages 563-564 du tome II des Œuvres Complètes, dans La Pléïade) offre un exemple limpide et saisissant de la manière dont Kafka met en mots un de ses vécus les plus angoissants, non sans humour...
L’ultime texte, Joséphine la cantatrice ou le Peuple des souris, reprend tout ce sur quoi nous nous pencherons, point d’orgue aux résonances sans fin.