Catherine CHABERT

Catherine CHABERT
Psychanalyste, Membre de l'Association Psychanalytique de France, Professeur Émérite à l'Université Paris-Descartes
La haine de la différence
De la jalousie au massacre des frères "Les Disparus" de Daniel Mendelsohn
Discutant : Alejandro ROJAS-URREGO*, Psychanalyste

Lorsque le moi mélancolique se confond ou se laisse emporter par son objet mort, il est bien difficile de se saisir de l’actif ou du passif, du criminel ou de la victime. Qui est l’agent du meurtre ? L’énigme reste entière, et Freud nous entraîne dans des mouvements divergents : le moi est écrasé par l’objet et en même temps, il est susceptible de triompher de lui par la potentielle vivacité des soubassements maniaques de la mélancolie.

Dans Les disparus, Daniel Mendelsohn ouvre une voie étonnante et spectaculaire qui condense les associations transférentielles de ses lecteurs : je ne m’attarderai pas sur la part majeure du cheminement de l’auteur pour tenter d’approcher la cruauté destructrice des hommes et leurs capacités d’amour à partir de la Shoah. Même si sa recherche acharnée pour retrouver les traces de vie de ses disparus m’a bouleversée, même si je considère ce livre comme une réalisation extraordinaire au regard des croisements de l’individuel et du collectif, je prendrai en compte essentiellement deux problématiques qui m’ont retenue par leur étroite et étonnante association : l’intimité et la jalousie d’une part, le danger du mélange d’autre part, les deux thèmes s’accordant en quelque sorte par leurs implications mutuelles. Les deux s’étayent sur des récits bibliques, développés par Mendelsohn, respectivement l’histoire d’Abel et de Caïn – pour l’intimité et la jalousie -, et l’histoire du Déluge – pour le mélange - .

*Alejandro ROJAS-URREGO, Psychanalyste. Full Member de l'Association Psychanalytique Internationale (API).Médecin-Chef. Service de Psychiatrie et Psychothérapie de l'Enfant et de l'Adolescent. Fondation de Nant