Michel SANCHEZ-CARDENAS
Psychiatre, psychanalyste
Les récits anti-dépressifs :
à propos du Voyage au centre de la terre de Jules Verne
Discutant : Yoann LOISEL
Jules Verne est un auteur souvent un peu déconsidéré. "Daté", "pour les enfants", "simpliste dans ses personnages"... sont des remarques régulièrement faites à son égard. Mais, à y réfléchir, peu nombreux sont pourtant ceux qui ont su, comme lui, faire de leurs héros des mythologies mondiales : d'un bout de la planète à l'autre "Vingt mille lieux sour les mers", "Voyage au centre de la terre", "Le tour du monde en 80 jours", etc. sont connus de tous, et le capitaine Nemo le dispute à Philéas Fogg en matière de célébrité. Il a donc bien fallu que Verne touche à des ressorts inconscients universels pour avoir su gagner une telle notoriété, qui dure depuis son temps.
Mais si des aspects manifestement libidinaux, oedipiens et de maturation adolescente sont sous-jacents Voyage au centre de la terre, c'est surtout sur la présence d'un "récit anti-dépressif" dans le texte que sera centré l'exposé. Ce récit "thérapeutique" passe par une fusion avec l'objet présenté comme perdu au début du livre. Cette réunion avec lui permet d'en faire ensuite véritablement le deuil pour aller vers une autonomie adulte. C'est un processus très souvent utilisé dans la littérature (James Bond contre dr No, Tintin au Tibet, Les aventures d'Alice au pays des merveilles...) et dans la mythologie.
Références bibliographiques
Michel Sanchez-Cardenas (2005). Voyage au centre de la terre-mère. Paris, Albin Michel
Michel Sanchez-Cardenas (2005). Jules Verne's Journey to the centre of the earth. The secret of counterdepressive narratives. Int J Psychoanal 86, 1695-1712.
Michel Sanchez-Cardenas est psychiatre et psychanalyste (SPP). Il vit et travaille à quelques centaines de mètres des lieux qui furent ceux de l'enfance de Jules Verne, à Nantes. A partir du souvenir d'enfance marquant pour lui du Voyage au centre de la terre, il a entrepris de défricher l'inconscient de ce récit. Il utilise en particulier pour cela les concepts d'Ignacio Matte Blanco, génial psychanalyste chilien (encore) trop méconnu dans notre pays.